Centre de Technologies Educatives Innovantes

La révolution Mooc

02.11.2014
Source:L'Express

L'émergence d'un marché mondial de l'éducation se concrétise. Les Mooc promettent de faire tomber les ultimes barrières qui s'opposent à une standardisation mondiale de la formation des élites, en suscitant des offres nouvelles adaptées au marché de l'emploi. 

Les Mooc annoncent l'irruption de la mondialisation dans l'enseignement supérieur.

Les Mooc annoncent l'irruption de la mondialisation dans l'enseignement supérieur.
afp.com/Martin Bureau

Un an après son lancement en grande pompe gouvernementale, que reste-t-il de France université numérique (FUN), la plateforme française de Mooc (massive open online courses)? On nous annonçait alors que ces cours massifs gratuits en ligne allaient révolutionner l'enseignement supérieur en permettant aux étudiants de suivre des formations à la carte et de faire valoir ces connaissances sur le marché de l'emploi : est-ce le cas? 

Le résultat paraît modeste. Quelques dizaines de cours ont été mis en ligne, qui attirent en majorité un public adulte et non des étudiants. Quant aux établissements qui les intègrent à leurs cursus, ils se comptent sur les doigts d'une main. Fermez le ban ? Pas forcément. Par le truchement de FUN, une conversation nouvelle s'est ouverte en France, qui semble aborder l'impact du numérique sur l'éducation, mais dont l'objet réel est ailleurs : les Mooc annoncent l'irruption de la mondialisation dans l'enseignement supérieur.  

Les filières les plus immédiatement rentables privilégiées

Pressentie dès la fin des années 1990 par Claude Allègre, l'émergence d'un marché mondial de l'éducation se concrétise. Elle a été préparée par des mesures institutionnelles, telles que la création de systèmes de certification communs afin de favoriser la mobilité des étudiants. Par la multiplication des classements internationaux, dont celui de Shanghai, qui impose de complaire aux tableurs Excel des chercheurs chinois pour s'afficher université de classe mondiale. Par la montée d'un discours reliant capacité d'innover et croissance économique, et qui, en France, justifie les milliards investis pour que la future université Paris-Saclay soit un fleuron mondial de la recherche. Par l'ouverture de campus "offshore" -la plupart des grandes enseignes universitaires américaines et européennes sont présentes en Asie. Par le développement de formations sur mesure pour les étudiants étrangers et recourant à la nouvelle lingua franca de l'enseignement supérieur : l'anglais... 

Ce que changent les Mooc en particulier, et le numérique en général, dans ce paysage mouvant? Ils promettent de faire tomber les ultimes barrières qui s'opposent à une standardisation mondiale de la formation des élites, en suscitant des offres nouvelles adaptées au marché de l'emploi. Elles seront aussi profitables aux filières les plus immédiatement rentables (commerce, gestion, sciences, informatique, ingénierie...) que fatales aux formations moins directement productrices de valeur ajoutée (humanités et sciences humaines). 

Que l'Etat ait choisi, en France, de lancer cette conversation en créant une plateforme de Mooc, posant les bases d'une réponse en termes d'intérêt public, est une bonne nouvelle. L'histoire du numérique dans l'enseignement ne fait que commencer. Il est normal qu'elle balbutie. 

Par Emmanuel Davidenkoff